Réhabilitation et reconnaissance
Travaux récents
La réhabilitation de Bernard Natan est un chemin encore en cours, mais il est pavé d’espoirs, porté par une nouvelle génération. Des travaux minutieux, des études approfondies et des initiatives culturelles qui cherchent à dévoiler la vérité sur un destin injustement terni par des préjugés et bien des accusations infondées.
Dès les années 1990, un groupe de chercheurs et d’historiens s’est attaqué à la tâche ardue de démêler les faits de la rumeur en remettant en question les récits biaisés qui ont dominé. Gilles Willems sera probablement l’un des premiers historiens à souligner l’injustice des accusations portées contre lui et la nature antisémite des campagnes médiatiques dont il a été victime. Ils ont également mis en lumière son rôle central dans la modernisation de l’industrie cinématographique française.
Différents moments charnières sont à relever :
- Le livre « Pathé-Natan – la Véritable Histoire » d’André Rossel-Kirschen paru en 2004 a ouvert la voie à d’autres écrits.
Ce livre est précurseur dans la réhabilitation de Bernard Natan. Il contient énormément de sources et 20 pages de références.
Il met en évidence le rôle capital joué par le producteur Bernard Natan dans la naissance du cinéma parlant en prenant en 1929 le contrôle de la société Pathé démantelé par son fondateur. S’appuyant sur des archives inédites aujourd’hui consultables, ce livre participe à rétablir la vérité sur un personnage exceptionnel du cinéma.
On retrouve sur le site d’Association une biographie détaillée, des réponses aux accusations, une filmographie distinguant les productions directes, les co-productions…
Quelques prises de parole avec en particulier celles de Patrick Brion et de Gilles Willems.
Lips a participé à l’organisation de la première journée manifeste en l’honneur de Bernard Natan à l’ARP en 1998 .
André Kirschen, voir biographie sur site
Gilles Willems a consacré sa thèse d’histoire du cinéma « Aux origines du groupe Pathé-Natan », et a rédigé plusieurs articles dans des revues comme 1895.
- Le documentaire « Natan, l’histoire oubliée du génie du cinéma français », réalisé par David Cairns et Paul Duane en 2013 a également ouvert la voie à d’autres documentaires. Ce film, œuvre de réhabilitation, a non seulement raconté son parcours exceptionnel dans l’industrie cinématographique, mais a aussi dévoilé l’injustifiable campagne antisémite qui a précipité sa chute. Le documentaire a permis au grand public de découvrir un homme qui, bien qu’ayant révolutionné le cinéma français, avait été englouti par des accusations mensongères. À travers ce travail, l’histoire de Bernard Natan a pris un nouveau souffle, et sa figure est progressivement sortie des ténèbres pour rejoindre les grandes figures du septième art. Il remet en cause formellement la participation de Bernard Natan à quelque production pornographique que ce soit. On y retrouve face caméra une interview du Pr Slade qui admet s’être sans doute trompé sur ses propos antérieurs concernant l’identité des acteurs des films visés par son étude.
Ce documentaire a été présenté à plusieurs lors de nombreuses manifestations et notamment au Festival Louis Lumière à l’invitation de Bertrand Tavernier en 2014 et à la Fémis 6 rue Francoeur lors de la pose d’une plaque commémorative en l’honneur de Bernard Natan.
- Le documentaire d’Alain Braun et Francis Gendron, « Natan, le Fantôme de la rue Francoeur » réalisé en 2019 participe lui aussi à la réhabilitation de ce patron méconnu du groupe Pathé-Natan à partir d’un travail très documenté sur toutes les archives disponibles.
Ce film apporte plusieurs documents inédits. De nombreuses personnalités interviennent : Lucien Aguettand, chef décorateur de plus de 100 films, décrit l’organisation des studios Pathé-Natan de Montmartre et de Joinville. Marco de Gastyne, réalisateur de la super production La Merveilleuse vie de Jeanne d’Arc, dresse un portrait de Bernard Natan et Raymond Bernard, grand réalisateur de l’époque, raconte les objectifs de Natan lorsqu’il lui demande de réaliser Les Croix de Bois et le triptyque de l’adaptation des Misérables. Max Douy, célèbre décorateur (Le diable au corps, de Claude Autant-Lara) décrit la rigueur du travail des studios Natan au début des années 30. Charles Vanel livre quelques secrets de tournage. Enfin, l’historien Jacques Choukroun, spécialiste de l’histoire économique du cinéma français (1928–1939) inscrit l’intervention de Lucien Rebatet dans la mise en place du concept de l’ « escroc juif » paru notamment dans le brûlot Les tribus juives du cinéma en 1942.
- Philippe Durant, critique de cinéma et biographe, dans son livre « Le fantôme du cinéma français : Gloire et chute de Bernard Natan », paru en 2021, présente Bernard Natan comme un entrepreneur visionnaire, passionné du 7ème art, qui investit sans relâche dans toutes les innovations du grand et du petit écran à l’instar des Goldwyn, Mayer et Warner américains, et dont la mémoire fut sacrifiée aux heures noires de l’Histoire. L’auteur retrace le parcours de Bernard Natan, décrivant une « ascension sociale vertigineuse à une chute dramatique qui reste le symbole des crises et des crimes de l’époque ».
C’est au 6 rue Francoeur lors de l’inauguration des studios, que débute le livre, la soirée voit réunies des personnalités du monde politique et artistique… Philippe Durant décrit le parcours d’un entrepreneur que l’histoire a oublié.
- L’ouvrage de Dominique Missika, historienne et éditrice publie en 2023 « L’affaire Bernard Natan – Les années sombres du cinéma français ». Dominique Missika a obtenu le Prix du Guesclin dans la catégorie fiction en 2023 et le Prix du livre d’histoire du cinéma 2023 (Festival de Pessac) pour son ouvrage majeur qui examine en détail la vie de Bernard Natan, de ses accomplissements et de la campagne antisémite qui a mené à sa chute et son élimination.
Dans cette enquête très documentée et sourcée, Dominique Missika ne laisse pas de zone d’ombre dans son récit de la vie de Bernard Natan, elle met en évidence l’acharnement de ses nombreux détracteurs avec un éclairage inédit des calomnies dont il a fait l’objet. Elle redonne vie et dignité au grand producteur d’avant-guerre qu’il était.
Ce livre prouve que Bernard Natan est de toutes les révolutions, le parlant, la couleur, les 1ers dessins animés. Dominique Missika fait œuvre de vérité dans une enquête minutieuse.
Ces travaux biographiques ont fait la lumière sur les aspects de la vie de Bernard Natan qui avaient été ignorés ou déformés et ont permis de découvrir l’impact durable de ses innovations sur l’industrie cinématographique, offrant ainsi un regard neuf sur un homme trop longtemps oublié. Ses réalisations chez Pathé-Natan ont, petit à petit, été reconnues pour leur importance. Il n’était pas seulement un patron, mais un pionnier, modernisant et transformant l’industrie avec des idées novatrices.
L’accès aux archives à partir des années 1990 (archives nationales, départementales, Pathé etc.) a également été essentiel pour clarifier la vérité sur l’histoire de Bernard Natan. L’étude des documents judiciaires de son procès a permis de démontrer l’injustice de bien des accusations à son égard, qui étaient souvent basées sur des témoignages douteux et des spéculations. De même, la redécouverte de nombreux films produits sous sa direction chez Pathé-Natan a permis de montrer l’ampleur de son influence et de rappeler son rôle central dans la création de certains chefs-d’œuvre du cinéma français (Les Croix de Bois, les Misérables etc.).
Malgré ces efforts, Bernard Natan reste largement méconnu du grand public et les hommages officiels à sa mémoire demeurent trop rares.
Evénements, conférences et hommages
Avec les années, une reconnaissance publique s’est peu à peu construite. Une rétrospective a été organisée en 1998 à l’ARP (Société civile des Auteurs, Réalisateurs, Producteurs) proposant d’assister à la projection d’extraits de films issus de l’époque Pathé-Natan.
En novembre 2014, un événement a été organisé rue Francoeur pour la pose d’une plaque en hommage à Bernard Natan dans le lieu qu’il a créé, en présence de nombreuses personnalités publiques et privées. Lors de cette soirée le documentaire de David Cairns et Paul Duane « Natan, l’histoire oubliée du génie du cinéma français » a été projeté.
En avril 2015, une conférence « Mémoire et Culture » introduite par un émouvant discours du philosophe Dominique Lecourt s’est tenue au Théâtre du Ranelagh.
Le 13 avril 2016, Maître Basile Ader, ancien Vice-Bâtonnier du Barreau de Paris, a tenu une conférence au Palais Littéraire et Musical de la Maison du Barreau, sur le sujet « L’affaire Natan ou l’histoire d’une élimination ».
En mars 2017, L’Ambassade de Roumanie en France et l’Institut Culturel Roumain à Paris ont organisé une Première de la projection du film « Natan, le fantôme de la rue Francoeur », dans le cadre de la clôture de la présidence roumaine de l’Alliance Internationale pour la Mémoire de l’Holocauste (IHRA).
En 2017, le Musée de la Légion étrangère lui rendra hommage lors d’une exposition « Légion et cinéma » à Aubagne, siège de la Légion étrangère
Le 21 septembre 2023, le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme organisait une rencontre animée par Serge Toubiana à l’occasion de la parution de « l’Affaire Bernard Natan. Les années sombres du cinéma français » de Dominique Missika en présence de l’auteur, de Rebecca Zlotowski et de nombreuses personnalités.
Ces initiatives culturelles ont joué un rôle fondamental dans la redécouverte de l’homme et de son travail. Les voix de défenseurs se sont fait entendre, appelant à une reconnaissance officielle de Bernard Natan : renommer des salles de cinéma en son honneur ou inclure son histoire dans les programmes éducatifs sur le cinéma français seraient des gestes justes pour rétablir la vérité.
De nombreux articles de presse ont relayé les publications et documentaires précités. Quelques exemples notables :
- Myriam Anissimov : Écrivaine et biographe, a contribué à la réhabilitation de la mémoire de Bernard Natan en publiant des articles ;
- Véronique Chemla : Journaliste et critique, a écrit sur Bernard Natan, mettant en lumière son parcours et les injustices qu’il a subies, notamment dans le contexte de l’antisémitisme en France ;
- Sabine de Langlade : Journaliste aux Echos, a publié en 2015 « Bernard Natan, la réhabilitation d’une légende oubliée du cinéma français » et a contribué à lui redonner sa place dans l’histoire du cinéma ;
- Aurélien Ferenczi : Journaliste à Télérama a consacré en 2015 un article important à l’ « Ascension et chute d’un visionnaire du cinéma » ;
- Jacques Mandelbaum, journaliste au Monde, a publié plusieurs articles lui rendant hommage notamment dans son article de juin 1998, « l’honneur retrouvé de Bernard Natan, patron diffamé de Pathé » ;
Etc.
Focus sur André Rossel-Kirschen

André Rossel-Kirschen, né André Florin Kirschen le 15 août 1926 à Bucarest et décédé le 29 décembre 2007 à Paris, fut un résistant français, écrivain et éditeur. Issu d’une famille juive roumaine ayant émigré en France au début des années 1930, il s’engage très jeune dans la Résistance française. Il est le neveu de Bernard Natan.
Durant l’Occupation, il rejoint les Jeunesses communistes et adopte le pseudonyme « Rossel » en hommage au général de la Commune de Paris. Le 10 septembre 1941, à seulement 15 ans, il participe à une action armée en tirant sur un sous-officier allemand à la station de métro Porte-Dauphine à Paris. Arrêté en mars 1942, il est jugé lors du procès de la Maison de la Chimie en avril 1942, aux côtés de 26 autres résistants. En raison de son jeune âge, sa peine de mort est commuée en dix ans d’emprisonnement.
Cependant :
- Son père, Joseph Kirschen, et son frère aîné, Bernard Kirschen, ont été arrêtés en 1942. Ils ont été fusillés au Mont Valérien en août 1942, en représailles aux actions de résistance
- Sa mère, Marie Kirschen, a été arrêtée en septembre 1942 lors d’une rafle ciblant les Juifs roumains. Elle a été déportée à Auschwitz par le convoi n°38 et n’est pas revenue.
Incarcéré en Allemagne, il est libéré en avril 1945.
Après la guerre, André Rossel-Kirschen poursuit des études pour devenir professeur de français, puis se tourne vers l’édition dans les années 1960. Il dirige les Éditions de La Courtille, puis les éditions Hier et Demain, spécialisées dans les « beaux livres » à vocation encyclopédique. Sous le nom de plume d’André Rossel, il publie des ouvrages historiques et des rééditions de journaux anciens. À la retraite, il continue d’écrire des ouvrages à caractère historique plus personnels, notamment sur son expérience de résistant et le procès de la Maison de la Chimie.
Parmi ses livres notables figurent « Le Procès de la Maison de la Chimie (7 au 14 avril 1942), « Contributions à l’histoire des débuts de la résistance armée en France » (L’Harmattan, 2002), « Céline et le grand mensonge » (Mille et une nuits, 2004), et « La Mort à quinze ans« , un entretien avec Gilles Perrault (Fayard, 2005).
Il consacrera la fin de sa vie à rétablir la vérité sur l’histoire de Bernard Natan, de la société Pathé et plus précisément Pathé-Natan. Il passera plusieurs années avec Gilles Willems à récolter, étudier, analyser tous les documents, inédits en 2004 et tirés d’archives aujourd’hui consultables, pour rédiger « Pathé-Natan, la véritable histoire », devenu un document de référence sur ce sujet.
Focus sur Emile Natan

Emile Natan est né Samuel Tanenzaph le 6 mai 1900 à Iasi. A l’issue de ses études de droit et ayant obtenu son diplôme d’avocat il rejoint en France son frère Bernard Natan. Il est naturalisé français en 1930 et il devient directeur artistique de la firme Pathé-Natan. Il contribue ainsi aux côtés de son frère à la production de nombreux grands films des années 30.
Emile Natan crée en 1936 la Société de production « Les Films modernes ». Il produit notamment à la fin des années 30 :
- L’Equipage en 1935
- Le Roi en 1936
- Quadrille en 1938
Pendant la deuxième guerre mondiale, il rejoint les Forces françaises libres à Londres après un engagement dans les FFC à Lisbonne le 13 novembre 1942.
A l’issue de le guerre, Emile Natan reprend avec sa société les Films Modernes son activité de producteur cinématographique. Quelques films notables :
- Après l’Amour en 1948 réalisé par Maurice Tourneur avec Pierre Blanchar et Simone Renant.
- Manèges en 1950 réalisé par Yves Allégret avec Bernard Blier, Simone Signoret.
- Violettes impériales en 1952 réalisé par Richard Pottier avec Luis Mariano et Carmen Sevilla.
- La belle Otero en 1954 réalisé par Richard Pottier avec Maria Félix et Jacques Berthier
- Michel Strogoff en 1956 réalisé par Carmine Gallone avec Curd Jürgens et Geneviève Page
En 1959, le Marché du film de Cannes, plateforme commerciale du Festival, a été créé par Emile Natan afin de permettre aux professionnels du cinéma (producteurs, distributeurs, exportateurs et importateurs) de se rencontrer en un lieu dédié.
Emile Natan est mort le 8 décembre 1962 à Paris.